Je cherche à me reconvertir dans l’immobilier. Ce n’est pas un secret et ce blog a aussi pour vocation de vous faire partager mon expérience, surtout empirique car j’avance pas à pas. Ce billet est donc essentiellement destiné aux vocations de marchands de biens en herbe. Mais chaque acheteur (investisseur ou acquéreur de sa résidence principale) peut y trouver des clés.
_
Après 2 semaines et 29 visites, je fais 3 offres sur des biens assez différents mais ayant chacun un potentiel. J’ignore toujours quelle est LA stratégie idéale. Bien sûr, pour moi, car à chaque profil d’investisseur correspond sa (ses) stratégie (s). Je reste toutefois sur ma conclusion provisoire finale d’officier en tant que marchand de biens (conforté par mon banquier qui m’indique que l’obtention d’un prêt sera « paradoxalement » plus facile dans ce schéma plutôt qu’en investisseur locatif).
Pour évaluer ces 3 offres et établir une proposition, je me suis appuyé sur un certain nombre d’indicateurs pour connaître la valeur intrinsèque d’un bien:
- Le prix au m2. C’est l’indicateur primaire du marché. Exprimé en fourchette (pas de comparaison possible entre un bien refait à neuf, avec de belles prestations et d’un bien à rafraîchir avec des « défauts ») et selon le type d’habitat (plus la surface est petite, plus le bien est « cher » proportionnellement: on ne compare pas des choux et des carottes), et bien sûr le quartier.
- La comparaison aux autres offres du marché. C’est la base d’une étude de marché: évaluer son offre c’est bien, mais la positionner par rapport à la concurrence c’est mieux. Un rapide coup d’oeil au marché sur seloger.com (en supprimant les 10% les plus chers et les 10% les moins chers, courbe de Gauss oblige) nous permet déjà une bonne évaluation.
- La date de mise sur le marché. Plus elle est longue, plus il sera facile de négocier, car ça signifie que soit le bien est trop cher, soit qu’il intéresse peu de monde. Le plus simple est de poser la question à l’agent immobilier. Il existe aussi un outil permettant de jauger la date d’une annonce seloger.com sur petitcailloux.com.
- Le potentiel du lieu. Un peu d’imagination que diable! Ouvrez les yeux sur une cuisine équipée à l’américaine plutôt que ce cagibi lugubre avec un évier, un beau parquet flottant en lieu est place de la vieille moquette tâchée…etc. Le home-staging, en plein boom actuellement, ce n’est pas que pour les autres (à moins de vouloir payer ce petit investissement puissance dix dans le prix final).
- L’approche psychologique des (autres) acheteurs. Un investisseur agit en homme d’affaires tandis qu’un accédant à la propriété agit avec son coeur. Hormis le coup de foudre, beaucoup n’arrivent pas à s’imaginer un jour dormir, cuisiner, vivre dans cet espace glauque, crasseux et rénové dans les années 80. Pensez-y, c’est une force dans la négociation!
Aujourd’hui, le marché est incertain. C’est le terme précis qui le définit. Il n’est pas baissier (certes il l’est dans l’analyse de la Chambre des Notaires mais d’une part la baisse est minime face aux hausses successives des années précédentes, et d’autre part il s’agit surtout d’un phénomène sur-amplifié dans les médias). Il n’est pas non plus aléatoire: les demandes ubuesques de certains vendeurs sont écartées par les agents immobiliers et les affaires exceptionnelles pour les acheteurs sont rarement visibles donc n’en parlons pas.
Donc dans un marché incertain, on se demande toujours si on a payé le « juste prix » pour un bien. Les transactions dans la demi-journée, le pistolet sur la tempe, sont l’apanage d’une époque révolue. Le marché est incertain mais ce qui est certain, c’est que les durées de vente s’allongent allègrement (il semblerait à écouter les professionnels que pour autant le marché ne soit pas « bloqué »: les transactions continuent à se faire).
_
Je vais étayer d’un exemple. Visite il y a une semaine d’un studio (34m2) à rénover à Bordeaux dans un secteur coté et proche des commodités. Prix demandé: 65k€ net vendeur, crânement affiché à 69900€ FAI. L’agent immobilier paraît sérieux (pas de folklore, pas de condescendance et un discours sain, de plus un circuit d’annonce très classique dans les PA du journal Sud-Ouest). Je fais une offre à 67k€, refusée. L’immobilier arrondi les angles, me demande si je suis prêt à remonter de 1000€ et s’engage à réduire sa commission de 500€. Mon offre est acceptée à 68k€ (63600€ net vendeur, soit tout de même près de 7% de commissions…). Cette seconde étape s’est déroulée en moins d’une heure!
Reprenons chaque point:
- 2000€/m2 (+ 300 à 800€ travaux finalisés): je suis donc en fourchette basse du marché (d’autant que je gère moi-même les travaux, donc une note qui devrait être la plus réduite possible).
- Aux alentours de 70k€, j’ai essentiellement des studios plus petits, parfois sur des secteurs prisés, et toujours avec des travaux (puisque ma recherche était aiguillée vers cet item).
- Date de mise sur le marché inconnue mais je sais que la propriétaire vit à l’étranger. Il s’agit donc de la vente d’un actif. J’aurais pu jouer la stratégie de pourrissement en pensant qu’elle a besoin d’argent (donc apte à céder quant à la négo) mais j’estime le prix « placé » sur le marché donc je ne veux pas courir le risque.
- Le lieu a du potentiel car en dépit d’une situation au RDC (très peu de passage piéton), il a une double exposition, une HSP de 3,60m (possibilité de mezzanine de couchage) et des travaux simples (peu de choses à casser, parquet récupérable, pièce rectangulaire facilement « re-cloisonnable »).
- Comme la quasi-totalité des biens à rénover visités, mon avantage est une faculté de projection, et un calcul rapide des coûts de transformation. Là où l’acheteur lambda qui cherche sa résidence principale résonnera en lourdeur des travaux, délai de mise à disposition, gestion du chantier…etc.
Le marché se situe pour cette rue précise entre 2610 et 3430€/m2, soit une revente théorique entre 89 et 117k€. Les frais notariés sont estimés à 5000€ et les intérêts courants sur la période (entre le moment ma prise de propriété et ma revente effective estimée entre 4 et 10 mois) dans une fourchette de 1000 à 2500€. Soit une enveloppe de travaux maximale (pour remplir l’hypothèse d’une opération sans gain financier!) entre 13 et 43k€ (budget estimé à 8k€ en premier jet).
_
Conclusion: il convient de reformuler la phrase « ai-je payé le juste prix? » (ou encore « n’ai-je pas payé trop cher? ») en « combien je peux gagner sur cette opération? » et en « qu’aurais-je obtenu comme autre bien pour le même prix? » (et ainsi de comparer facilement les opérations entre elles, en terme de gain, de difficulté, d’effort, de délai, de probabilité de revente…etc).
17 commentaires