La franchise est un secteur qui se porte bien. Laquelle? Toutes! Toutes les franchises se portent bien car elles rapportent beaucoup d’argent …aux franchiseurs. Ne jetons pas l’anathème: certaines franchises sont sérieuses et parallèlement (et pas forcément concomitamment…) certains franchisés gagnent (très) bien leur vie.
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Qu’est-ce que la franchise?
Il s’agit d’un échange: le franchiseur « offre » son savoir-faire, en échange de quoi le franchisé le dédommage. Même quand le franchiseur apporte une notoriété établie, un « nom », cela s’assortit toujours d’un savoir-faire: s’appeler McDo ne suffit pas si on ne sait pas préparer un Big Mac dans les règles de l’Art. Normalement basé sur le principe gagnant-gagnant, c’est un système en symbiose où aucune des 2 parties (franchiseur et franchisé) n’est censée gagner de l’argent sur le dos de l’autre mais grâce à l’autre. Nuance de taille et pourtant…
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Pourquoi opter pour une franchise?
- L’inexpérience métier. Se lancer dans une activité pour laquelle on a pas de formation est délicat. Une franchise peut vous aiguiller dans cette voie. Mais attention: le rôle du franchiseur n’est pas de vous former à un nouveau métier mais de mettre en place des process rôdés grâce à son expertise.
- La notoriété et la confiance. C’est l’aspect incontournable de certaines franchises (un cercle assez restreint en fait): l’évocation d’un nom synonyme de reconnaissance. Certaines enseignes ont même un taux de notoriété spontanée hors du commun: si je vous dis opticien et salon de beauté, vous me citerez immédiatement Afflelou ou encore Yves Rocher.
- L’automatisation. Sans même parler de business passif (en simple investisseur), le confort d’une franchise est d’avoir une équipe de permanents dédiée au back-office: gestion des approvisionnements et des achats, marketing, actions publicitaires, architecture et agencement du point de vente…etc. La vraie plus-value de l’entrepreneur se résume donc au management. Sans doute aussi pour ça que le candidat-type est souvent un ancien cadre.
- Le chiffre d’affaires prévisionnel. La composante d’un réseau est son retour d’expérience. Si l’ensemble des points de vente fait entre 400 et 600k€ de CA et que la stratégie d’implantation (emplacement, cible) respecte les critères de cette franchise, il est peu probable que vous ne fassiez « que » 150k€ de CA après 2 ou 3 ans d’ouverture.
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Les faux-semblants de la franchise
- L’emplacement, l’emplacement, l’emplacement. Naguère, les développeurs commerciaux parlaient de 3 zones. Aujourd’hui les franchises vous recommandent des emplacements n°1 ou à la limite n°1bis, souhaitent éviter le n°2 et par pudeur ne parlent même pas de la 3ème zone… Mais ces pas de porte se monnayent à prix d’or et les baux valent une fortune tous les mois. Mais un franchiseur digne de ce nom se doit d’avoir un petit drapeau sur le meilleur emplacement de la carte! A noter aussi que certaines franchises (McDo, KFC, Quick…) proposent la plupart de leurs contrats sous location-gérance (c’est-à-dire que le franchiseur est lui-même propriétaire du foncier!!!).
- La centrale d’achats et de référencement. Pourquoi pas mais cela reste à prouver. Et les indépendants se fédèrent eux aussi afin d’obtenir des conditions commerciales pour des achats groupés. Par ailleurs, de plus en plus les enseignes développent d’ailleurs leurs propres gammes de produits en MDD (Marque De Distributeur), sortant non seulement de leur métier de distributeur mais empochant souvent une part du « prix de revient » facturé au franchisé…
- Le concept marketing et les outils. Le franchiseur apporte-t-il une réelle plus-value? Innove-t-il? L’intégralité du marché de la pizza est basé sur la livraison à domicile, la distribution de flyers en toute boîte et l’offre « 1 acheté = 1 offert »: où est la différenciation?
- La communication. N’oubliez pas une règle de base: tout l’argent investit en communication nationale (pour la notoriété de l’enseigne mais du point de vente local uniquement par retombée) ne l’est pas en local. Si vous dédiez (de manière « contrainte ») 2% de votre CA qui serait par exemple de 500k€ à la pub nationale, cela équivaut à un budget de 10000€, soit 2 à 4 mailings ciblés.
- La notoriété vs la proximité. L’un des critères de choix fondamentaux et pour beaucoup de domaines de consommation, c’est la proximité. Attention aux franchiseurs qui n’ont pas froid aux yeux et veulent s’implanter dans une zone de chalandise dont l’offre est déjà pléthorique. Certes la marque de la franchise n’est y pas encore représentée mais les gens ont des habitudes de consommation et la notoriété de l’enseigne ne suffit pas toujours à elle seule à les en détourner. Quant à penser que les consommateurs vont s’empresser de parcourir une distance non négligeable, sous prétexte d’y trouver la marque de la franchise, c’est prêter un pouvoir d’attractivité démesuré à cette notoriété d’enseigne. Même des géants comme Auchan ou Carrefour commencent à être boudés, en raison justement de la distance à parcourir trop importante pour les atteindre.
- Le choix dans la diversité. Ne scotomisons pas l’objectif qui est de gagner de l’argent. Mais pas à n’importe quel prix. On ne choisit pas sa franchise comme on choisit ce qu’on va manger lorsqu’on a faim! Sélectionnez d’abord votre secteur d’activité puis étudiez les franchises s’y associant. Pas l’inverse (choisir une franchise puis se demander si ça peut vous correspondre: vendre des piscines ou des sushis, ce n’est pas tout à fait la même chose!).
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Le coût de la franchise: votre bénéfice
Le franchiseur se doit de gagner de l’argent, ne serait-ce que pour financer son développement (et donc celui de l’ensemble de ses franchisés). Mais cela doit se faire selon une certaine éthique et une certaine rigueur. Combien de fois voit-on un franchisé peiner à se rémunérer? Combien de fois voit-on un franchisé « condamné » à entrer dans le système casse-figure du multi-magasins (pour le commerce retail, la masse critique se situe souvent à 5 ou 6 unités)? La défaillance d’entreprise est toujours moindre en franchise pour la bonne et simple raison qu’une fermeture signifie une franchise boudée pendant plusieurs années sur la zone. Le franchiseur préférera donc trouver un autre pigeon candidat pour réinjecter des fonds propres, voire détenir l’unité en propre (succursale) avant de la vendre pour le droit au bail seul, épongeant lui-même l’ardoise sans souffrir d’une publicité négative due à une faillite!
Se protéger passe par s’informer. Discutez avec les franchisés mais pas ceux présents sur les stands des franchises ou ceux recommandés par le développeur mais ceux que VOUS aurez sélectionné.
Posez les bonnes questions:
- Combien de permanents sont présents au siège? Dans certaines enseignes, cela atteint des records avec parfois plus d’un permanent par franchisé!!! Imaginez, c’est comme si votre structure devait supporter la masse salariale d’un collaborateur supplémentaire…!
- Quelle proportion de succursales? Ne pas avoir de succursales n’est pas forcément bénéfique car ces unités pilotes agissent souvent comme des laboratoires avancés pour tester de nouvelles offres, un nouvel agencement…etc (sans souci de résultat opérationnel puisque cela fait partie intégrante du développement, donc de son investissement). Mais il existe aussi certaines enseignes qui se taillent la part du lion: les succursales dans les endroits à fort potentiel et les franchises dans les zones plus restreintes (donc plus risquées et moins rentables…): non merci!
- Quels objectifs de recrutement, selon quel plan? Un franchiseur qui ne sait pas répondre à ces questions doit changer de métier et vite. Objectif ne signifie pas forcément qu’il va l’atteindre mais au moins qu’il sait où il va. Pourtant certains évoquent encore la crise pour se camoufler derrière des phrases pleines de réussite « on ne fait pas plan: tant mieux si on ouvre, et tant mieux si on ouvre un maximum, Marseille ou Lille, on prendra ceux qui sont motivés! » Imaginez votre situation par analogie: « le CA? pas de plan sur la comète, tant mieux si on vend! notre cible? bof, si on a un étudiant ou un CSP+, c’est toujours une vente, viendra qui pourra! » No comment…
- Comment son découpées les zones d’exclusivité? Il est important que la franchise elle-même ne vous tire pas une balle dans le pied en installant un concurrent qui serait de votre propre « famille! » La connaissance du géomarketing est un incontournable aujourd’hui afin d’avoir un développement en bonne harmonie.
- Demandez des exemples factuels de prix de fournitures? Vous êtes censés faire des économies grâce à la centrale d’achats: comparez factuellement le prix d’un emballage auprès du franchiseur puis par votre propres moyens en tant qu’indépendant (par exemple un sac de transport en kraft logotypé).
- Etudiez minutieusement les « coûts cachés! » La franchise tient souvent à 2 chiffres: droits d’entrée + royalties. Mais quid des campagnes publicitaires obligatoires et obligatoirement élaborées par la franchise elle-même? Quid du programme informatique dont le leasing et la maintenance transitent via la franchise? Quid de la formation continue (c’est déjà une bonne chose ceci étant qu’il y en ait!)?…etc.
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Les questions à (se) poser
LA question par excellence (et malheureusement souvent la première) que pose tout candidat au franchiseur est « combien je peux espérer gagner? » Depuis quand envisage-t-on un business sous cet angle. Ne serait-ce pas mettre la charrue avant les boeufs…!? Dans tout business, l’argent est une conséquence, jamais une fin en soi (à part pour un banquier mais il n’existe pas de franchise de ce type…).
Toute bonne implantation relève d’une étude de marché digne de ce nom. Et la règle d’or est de la faire soi-même, ne jamais la sous-traiter et encore moins à son franchiseur (tout au plus vous pouvez vérifier les données chiffrées (souvent laconiques) qu’il vous formule). Vous ne savez pas mener une étude de marché? Et bien revenez quand vous saurez: démarrer un business, qui plus est un commerce (puisque souvent la franchise s’appuie sur ce mode de distribution) n’est pas un hobby, donc hors de question de pécher par amateurisme.
Une fois l’étude de marché effectuée, le voyant ne peut être que de 3 couleurs: rouge et le projet s’arrête là – orange et il faut lever certains doutes (par exemple une autorisation administrative ou encore la possibilité de recruter des profils spécifiques…etc) – vert et on fonce! A ce stade-là, la franchise n’intervient pas: soit le projet pour implanter une sandwicherie dans tel emplacement, telle gamme de prix, pour telle cible…etc est viable, soit il ne l’est pas. S’appeler Subway, Paul ou La Mie Câline n’y changera rien… Donc au terme de cette étape, une fois que le voyant est vert (ou que l’orange est passé au vert), vient la question subsidiaire de l’enseigne: la franchise me fera-t-elle gagner plus d’argent (ou plus rapidement) grâce notamment à son concept, sa notoriété, sa communication ou inversement la franchise me fera-t-elle économiser de l’argent grâce (essentiellement) à sa centrale d’achat (mais aussi à ses process)? C’est seulement à cette étape et au terme de ce questionnement que le choix d’une franchise pourra être envisagé.
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Franchise or not franchise?
Beaucoup (trop) de franchises en sont au stade infantile et le déploiement de fastes cache souvent mal l’appétit vénal du franchiseur. Si la seule réponse est l’économie d’échelle pour l’impression de fournitures personnalisées (entendu sur plusieurs stands au dernier salon Franchise Expo…), il est grand temps pour le franchiseur de se remettre en question (et de prendre des cours de vente!).
- La franchise me fait gagner plus d’argent. Encore faut-il le quantifier! Votre étude de marché a pu vous donner votre CA prévisionnel (réalisable « seul », en indépendant). Quel serait le CA estimé par la franchise pour le même point de vente? Et est-ce rentable: sur 5 ans, avec 20k€ de droits d’entrée et 5% de royalties/ an (et sans compter les cotisations fixes), au sein d’un business ayant une marge brute de 60% et un CA de 150k€, il faudrait… 171k€ pour absorber le surcoût de la franchise (soit 14% de CA supplémentaire!).
- La franchise me fait économiser de l’argent. Etant très méfiant avec les franchises, je poserais aussi avant tout la question différemment: suis-je certain de payer moins cher mon agencement, mes fournitures, ma marchandise…etc grâce à l’enseigne car un franchiseur malhonnête aura tôt fait se se servir sur la moquette qu’il vous vend, sur le stock qu’il vous vend, sur les emballages qu’il vous vend…etc. Un franchiseur « sain » se rémunère sur les royalties, absorbe ses frais fixes grâce aux cotisations fixes et facture les prestations de démarrage qu’il vous apporte (formation, concept).
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La franchise peut s’avérer un très bon catalyseur pour qui veut démarrer une activité, surtout si cette activité ne s’étend pas sur le domaine de compétences de l’entrepreneur (nouveau métier). Mais les écueils sont nombreux, et à mon sens le risque plus important que le gain potentiel. Ce n’est pas une raison pour se détourner de ce mode de distribution mais ce billet a pour vocation de vous inciter à la plus grande prudence: celui qui prend le risque, c’est vous, le franchisé.
Finalement, le meilleur moyen de gagner de l’argent en franchise est encore… de devenir franchiseur, non?
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