Concilier indépendance financière et vie de luxe

En feuilletant le dernier magazine Idéat, je tombe sur une infomerciale de la Mercedes SLS AMG. Pour info, ce petit bijou de design, de puissance et de technologie vaut la bagatelle de 189000€ (hors option: la superbe peinture « Argent Alubeam » valant à elle seule 12000€). Puisque L’alternative riche par excellence est l’indépendance financière, je me suis demandé comment combiner cette liberté totale avec la liberté d’accéder aux biens matériels désirés, sans restriction.

L’indépendance financière ou comment devenir riche en restant pauvre

Le « Nouveau Riche », indépendant financièrement est en quête de temps et de mobilité, pas d’argent, qui n’est que secondaire. Effectivement, considérons que mes revenus passifs couvrent l’ensemble de mes besoins primaires. Je vous renvoie vers un article qui simplifie la pyramide de Maslow et illustre justement assez bien ce bloc de base:

Le NR met donc à profit son temps et sa mobilité, non dévolue à l’esclavagisme d’un travail (qui plus est salarié) afin de grandir et de développer son « ego. » Et si cet ego passait aussi par la possession de biens matériels? Et tant qu’à avoir un certain ego, autant verser dans le mégalo et accéder au luxe. Problème: cela nécessite de l’argent, beaucoup d’argent et nous rend donc à nouveau totalement dépendant financièrement puisqu’il faut financer l’objet, que ce soit cash ou à crédit (pour info, la fameuse Mercedes en LLD, ne coûte « que » 2351€/ mois… après un 1er loyer de 75600€!).

Les vrais riches ou la quête de l’inatteignable

Là où le Nouveau Riche se détache de l’argent, quitte à justement travailler sur son ego et se persuader (à tort ou à raison, le débat n’est pas là) que la Mercedes ne le rendra pas plus épanoui, le Vrai Riche, lui ira en concession faire un chèque pour l’acquérir… N’étant ni NR (pas encore!), ni VR, je ne peux en décrire les rouages psychologiques mais gageons que le VR aura sans arrêt le complexe du « toujours plus. » Vous rêvez d’une Mercedes et votre vision du VR se borne à acheter le précieux qui vous plaît? Pas pour le VR qui non seulement en fera sans doute un caprice éphémère (mais c’est un peu l’apanage entier de notre société de consommation…) et surtout sera en quête de l’objet ultime, traduisez par là le plus cher.

Etre VR est donc un full time job (bon d’accord, ce sont surtout les autres qui bossent à votre place, mais sauf à gagner au Loto ou à naître avec une cuillère en argent dans la bouche, n’imaginez pas que ça se fasse en quelques années!).

Au final, se pose surtout la cruelle problématique de savoir avec justesse fixer le seuil d’indépendance financière pour se considérer enfin comme un VR. Pour beaucoup (dont je fais partie), 20 à 30k€ nets annuels (sans travailler donc) représentent un idéal permettant de s’épanouir pleinement mais comment concilier cette manne automatique à l’accession au(x) luxe(s)?

Le renoncement au service de la sérénité

« Il n’y a qu’une route vers le bonheur: c’est de renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté. » Epictète

En d’autres termes, et pour paraphraser le philosophe grec, si vous voulez vraiment quelque-chose, c’est à vous et à vous seul de vous donner les moyens de l’obtenir…

Pourquoi voudrais-je une voiture qui coûte le prix d’un 2 pièces à Paris (si, si un T2: n’oublions pas les options!)?

Pour le plaisir de rouler vite dans un confort absolu et au volant d’un (futur) monument du design automobile
Certes. La synthèse est plutôt réussie. Mais il est illusoire de vouloir faire les 3 de concert au quotidien. Qui voudrait risquer son permis (et sa vie accessoirement) en roulant à 317km/h sur autoroute? Qui voudrait déplacer en milieu urbain un char de 1935kg, vulnérable aux rayures et n’autorisant qu’un seul passager? Quel amateur de belles mécaniques prétendrait l’objet plus sexy que son aïeul, la Mercedes 300 SL? Pour avoir conduit certains bolides, je vous suggère un jour de prendre place dans le baquet d’une monoplace pour comprendre la différence entre conduire et piloter. Si le dernier item vous passionne, laissez tomber la SLS pour de vraies sensations.

Pour l’image que je véhiculerais par la possession d’un tel bolide
Le problème n’est pas dans l’accomplissement financier mais dans le déblocage de certaines (fausses) croyances. Je ne vais pas m’étendre là-dessus. Mais l’essentiel est ailleurs, et pour revenir à la pyramide de Maslow, aucune problématique aux besoins sociaux ou d’estime ne trouvera de réponse dans la possession matérielle. D’ailleurs, aujourd’hui, les valeurs se déplacent (traduction des paroles ici):

Au final, posons-nous la vraie question de la possession matérielle (hors toute considération écologique ou idéaliste): pourquoi faire?
Un appareil photo pour laisser libre cours à sa créativité ou rapporter des souvenirs – mais combien de néophytes se ruent sur un kit réflex pensant acquérir un boîtier de pro et donc en sortir des images dignes… malgré des objectifs pires qu’un compact d’entrée de gamme…!?
Une montre de luxe pour la précision et la pérennité – mais rien à chronométrer et la profondeur maximale de plongée que vous atteindrez sera celle de la piscine municipale… sans parler de l’effet mode de tous ces boîtiers aux tailles démesurées…!?

Les alternatives combinant indépendance financière et vie de luxe

Ne dissocions pas plaisir et usage. Si mon plaisir est la conduite, j’aurais davantage de plaisir dans une voiture de sport que dans un monospace. Mais si mon usage est de transporter 5 personnes avec confort et sécurité d’un point A un point B, le monospace sera plus adapté. Posez-vous surtout la question quand vous prétendez avoir une passion pour telle chose si cette passion est liée à l’objet en lui-même (en dépit de l’usage qu’il procure: on peut par exemple être passionné d’horlogerie sans s’adonner à la plongée) ou à l’image qu’il véhicule…

Sauf à s’adonner à un mouvement de « simplicité volontaire« , nous avons toujours besoin d’objets, de possessions matérielles. Nous pouvons toutefois nous poser la question de leur utilité réelle et de leur impact écologique, là n’est pas la question.

Voici ma méthode pour déterminer si m’offrir un objet (de luxe tant qu’à faire!) est bénéfique ou non:

  • Ai-je déjà ce type d’objet? Si oui, l’obsolescence ou la détérioration justifie-t-elle son remplacement?
  • Quel(s) besoin(s) l’objet va-t-il couvrir? La notion d’utilité est-elle présente?
  • Quel plaisir cela me procurera-t-il? Dans le cas d’une oeuvre d’Art, l’utilité peut être contestée, pas le plaisir à la contempler.
  • Suis-je motivé dans le choix par l’image que renvoie l’objet de moi? On peut vouloir acheter un appareil photo sans que ce soit un Leica…
  • Puis-je me passer de l’objet? Le plus simple est d’étudier pendant un certain temps les palliatifs aux besoins que rempliraient les fonctions de l’objet.
  • Comment puis-je le financer sans impacter mon épargne, mon capital?
  • Si j’achète un actif à la place, au bout de combien de temps les intérêts composés financeraient-ils l’objet in fine (et finalement, puis-je patienter durant ce délai pour me l’offrir)?
  • Une solution d’occasion, en seconde main existe-t-elle?
  • Une solution « vintage » existe-t-elle? Par exemple, me payer une vieille voiture de collection avec un charme et des sensations folles pour le dixième du prix de cette Mercedes SLS…
  • Est-ce profitable (ou bien superflu…?) à mon ascension dans la pyramide de Maslow?

Ce n’est pas une recette miracle. Mais elle m’a par exemple récemment permise de conserver mon appareil photo dont je n’avais finalement pas exploité la pleine mesure. Les gadgets récents et l’effet nouveauté ne m’auraient pas permis de réaliser de meilleurs clichés (quitte à « investir », autant prendre des cours de photo par exemple… tiens, c’est à creuser ça!).

Et le coup de foudre? Soyons sérieux quelques instants. Sauf à relever de la psychiatrie légère, comment peut-on flasher pour un objet!? Le coup de foudre, je l’ai pour cette jolie brune rencontrée dans le métro. Le dernier craquage, de sortir sur invitation d’amis alors que je suis flapi mais le plaisir de les voir et de partager de bons moments est plus fort. Et la folie, ce serait finalement de céder à cette société d’hyper-consommation qui manipule davantage qu’elle concourt à mon bonheur. Et le bonheur, ce ne serait pas d’être financièrement indépendant?

5 commentaires

  1. Pingback: Declining luxury market – Consumption crisis or values crisis? | Luxury VS Crisis

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